Akiko Gishi
En France depuis 2004, cofondatrice de l’Atelier Mizuki de Paris et enseignante d’ikebana
J’ai fondé l’Atelier Mizuki de Paris il y a 12 ans (en 2004) et, depuis, j’enseigne à des Français.
Y-a-t-il une différence entre enseigner à des Japonais et à des Français ? Oui, c’est différent avec les Français : ils ont besoin de comprendre pour faire, quand les Japonais ont besoin de faire pour comprendre. Pour les Japonais, la théorie vient après la pratique. On essaye de sentir d’abord, en faisant, puis la théorie et les explications viennent après.
La plupart des Français ne sont pas capable de sentir ; ils ont donc besoin de la théorie en premier : ils ont d’abord besoin de comprendre avant de faire et pour faire. Je commence donc généralement mes cours en leur donnant un maximum d’explications avant de pratiquer. Mais parfois, je sens aussi que certaines personnes françaises peuvent sentir les choses. Dans ce cas, je leur propose d’abord de faire avant d’expliquer.
Les professeurs japonais ne sont généralement pas trop pédagogiques : ils montrent d’abord puis leurs élèves réfléchissent ensuite et essaye de comprendre par eux-mêmes pourquoi leur maître a fait comme-ci ou comme ça, avant de faire à leur tour. C’est adapté à la culture japonaise.
En fait, indépendamment de la nationalité, les personnes qui comprennent l’ikebana sont toutes capables de sentir d’abord les choses, sans avoir forcément besoin d’explication. Par exemple, une de mes élèves, Jacqueline, faisait du yoga avant de pratiquer l’ikebana. Maintenant, elle fait de l’ikebana en place du yoga : elle sent d’abord puis elle voit après et fait.
Pourquoi ? Les gens « bons », ils savent faire sans forcément besoin d’explication. Donc, la pédagogie japonaise est bien adaptée pour eux. Par contre, les forts en blabla, certes ils peuvent raconter et beaucoup expliquer, mais il n’y a rien. Dans leurs ikebanas, il n’y a rien…
C’est difficile à expliquer ce que ça veut dire « il n’y a rien »… C’est au niveau de l’esprit de l’ikebana ; il n’y a pas de cœur. Le cœur, c’est un peu la simplicité, le dépouillement… Leurs ikebanas ne sont pas dépouillés et ils ont aussi tendance à souvent changer. Changer dans leurs réalisations… Chez ces gens quand il n’y a rien, je ne sens rien…. Je le sens mais je ne peux pas l’expliquer. Je n’ai pas assez de vocabulaire en français pour l’expliquer…
Ça m’énerve les gens qui parlent trop. C’est certes une question de culture et pourtant il a des gens qui ne sont pas comme ça parmi les Français. Ce sont généralement des gens simples. D’ailleurs, en vieillissant, on accorde plus d’importance aux choses simples, ont tend vers le plus de simplicité. Ça me fait plaisir d’enseigner aux Français. C’est l’occasion de pleins de découvertes. Je découvre la beauté de la simplicité avec des élèves français, chose dont je ne me rendrais pas compte si je vivais au Japon et que j’enseignais à des Japonais. Car il n’y en a pas beaucoup ici, en France, de la simplicité et des gens attirés par ce qui est simple, et donc c’est précieux !
J’aime bien rencontrer des personnes qui pensent comme moi, au sens où elles apprécient ce que j’aime. Dans le fait de donner des cours, c’est ce que j’apprécie le plus, de partager avec les élèves : ils t’apportent, ils réalisent d’autres compositions, les gens apprécient ce que je propose. Quand je leur propose une composition ou quand je vois leurs compositions, on discute, on échange sur tel ou tel aspect des compositions, telle ou telle proposition, …, et les gens apprécient cela, tout comme je l’apprécie également.
Transmettre, j’aime bien. J’apprécie beaucoup le partage. Ce n’était pas comme cela avec mon maître. Il n’y avait pas ce même type de partage, ce n’était pas pareil. Je ne me rappelle pas que cela se passait comme ça ; ce n’était pas pareil, pas la même situation, pas la même approche.
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