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  • Quartier Japon

La nécessaire cohésion au sein d'une troupe de Taïko.

En 2003, j’aidais bénévolement un centre culturel franco-japonais parisien, pour l’organisation de son festival Koï Nobori, la Fête des Enfants du Monde. Pour cette seconde édition, en fait la première d’ampleur à Paris, près de 60 artistes et sponsors japonais étaient venus spécialement à Paris, avec, parmi eux, 20 membres environ de la troupe Kurashiki Tenryô Taiko, une troupe de tambours japonais de la ville de Kurashiki, ainsi que leurs instruments, soit environ une tonne cinq de matériel !

C’était la première fois que j’entendais parler des fameux taïko japonais et encore plus que j’en côtoyais les musiciens.

Quelle n’a pas été alors ma surprise, de rencontrer de nombreux jeunes, garçons et filles, joueurs de ces fameux tambours japonais, encadrés par quelques hommes adultes.

3 générations d’une même famille étaient mêmes présentes, avec un tout jeune joueur de 5-6 ans qui jouait d'un petit tambour d’enfant, mais de facture professionnelle (hira daïko), son père et son grand-père ! Il avait d’ailleurs joué sur la scène de l’Unesco en duo avec son grand-père, devant tout le monde et en présence de nombreuses personnalités !


Au-delà de cette première surprise, mon second étonnement provient de ce que la majorité de ces jeunes joueurs et joueuses n’étaient pas particulièrement musclés et fortement bâtis, contrairement à l’image que je me faisais du joueur de tambours.


Pourtant, quand il s’était agi de décharger du camion le grand taïko (odaïko Nagado), pesant à lui seul plusieurs centaines de kilos, j’avais vu tous ces jeunes, filles comprises, se mettre en rond pour prendre, chacun, une poignée de la housse du taïko, pour le décharger du camion au sol, puis pour le transporter jusque sur la scène. Forcément, avec mes collègues, nous nous étions instinctivement proposés pour les aider, mais nous avions essayé un refus net de la part des vétérans de la troupe.

Comment des personnes aussi frêles d’apparence avaient bien pu le réceptionner depuis le hayon du camion, puis l’avaient transporté sur plusieurs centaines de mètres, sans même apparemment peiner ?!

Et aussi, pourquoi avaient-ils refusé tout net notre offre de les aider ??


Plus tard, mais également quand ils étaient revenus l’année suivantes, ils avaient pareillement refusé que nous les aidions, aussi bien à les aider à transporter les instruments, même de plus petits taïko, des wadaiko ou des tsuzumi, que les sacs contenant leurs affaires personnelles. D’autant plus pour leur venue l’année suivante alors que nous n’étions plus des inconnus les uns pour les autres.

A chacune de ces deux fois, le refus avait été semblablement tout net, même de la part des jeunes filles que nous voulions spontanément aider, comme tout Français galant qui se respecte ^_^ !!


A ces occasions, j’avais alors senti cette sensation que je n’avais pas pu qualifier de prime abord : une sorte de discipline au sein de la troupe, fortement appliquée et respectée de la part de chacun des membres.


Lors de leur seconde venue, cette même impression, je l’avais pareillement encore ressentie surtout au moment de la petite fête de clôture du festival, dans le centre culturel.

A cette occasion, une partie de la troupe était restée dans une pièce à part, au rez-de-chaussée du bâtiment, entre eux. Un second groupe était quant à lui monté au second étage, pour se joindre aux autres invités et pour profiter du buffet.

Cette scission du groupe en deux avait à la fois provoqué un malaise auprès de ceux qui étaient restés puis une remontrance des jeunes du second groupe, de la part de leurs aînés, qui étaient restés en bas.

Je n’avais pas compris sur le moment, pourquoi ils n’avaient pas la possibilité de se divertir, d’autant plus que le festival était terminé et que les musiciens n’avaient plus à se produire sur scène. Par la suite, on m’avait expliqué.


Dans la troupe, l’important, c’est la cohésion du groupe. Donc, tous les membres agissent comme un seul Homme. Il n’est pas possible qu’une partie fasse une chose quand une autre partie ferait une seconde chose. Au sein d’une telle troupe, qui existe depuis 1972, règne une discipline quasiment martiale. Aussi bien pour permettre une cohésion du groupe, mais aussi, pour permettre une synchronisation parfaite des musiciens quand ils se produisent sur scène.

Quand on assiste à un spectacle de Taïko, d’autant plus avec près de 15 musiciens sur scène en même temps, comme cela avait été le cas lors du concert à l’Unesco, on comprend à quel point la synchronisation est primordiale. Et ce ne peut pas être une synchronisation basée sur l’intellect ; c’est le corps qui se synchronise de lui-même, apparemment instinctivement.

A force de répétitions, cette synchronisation se met progressivement en place, mais également, parce que les différents membres vivent ensemble, agissent tous comme un seul Homme, y compris pendant les temps hors scène, que les corps peuvent se comprendre, anticiper et communiquer, en voie/voix directe, en phase, sans qu'il ne soit besoin de se parler.


Je pense que cette organisation est à l’œuvre dans toutes communautés, aussi bien d’artistes que de sportifs et de toutes personnes qui ont à accomplir quelque chose ensemble. Mais cela nécessite au préalable d’accepter de laisser de côté son ego, pour se mettre au service d’une plus grande réalisation.

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