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Photo du rédacteurMariama Sylla

Un vernissage déconcertant


Yamada A

Stéphane (42 ans)

En mars 2010, après tant d’années à m’intéresser à sa culture et à sa langue, enfin, j’avais sauté le pas et m’étais décidé à partir me rendre compte sur place de la réalité nippone.

A Tôkyô, j’y avais retrouvé de nombreux amis japonais connus auparavant en France. Parmi eux, Hideo san, un peintre et sculpteur de Tôkyô.

Tout au long de mon séjour, il m'avait gentiment présenté à ses amis artistes et m'avait montré de nombreuses galeries, notamment à Yokohama et à Ginza. C'est ainsi qu'un matin, nous étions partis par le train, assez loin dans la banlieue de Tôkyô, pour assister à un vernissage dans une maison typiquement japonaise, vieille de 150 ans environ.


Arrivés jusqu'à cette vieille maison comme j’en avais vue dans nombre de films, dans le jardin ouvert à tous les vents, une trentaine de personnes se tenaient rassemblées près d’un feu de bois, écoutant le discours de la maîtresse de cérémonie.

« Kanpaï » ! Tous, d’un même mouvement et d’une même voix, nous avions ensuite porté un toast, le verre de sake à la main, à cet événement qui commençait. Puis les conversations s’étaient nouées et, rapidement, les premières personnes s’étaient approchées de moi, le seul représentant européen de l’assemblée. Au seul nom de « Paris », quel succès j’avais auprès de tous ces artistes, sculpteurs, peintres, céramistes, ..., qui connaissaient Paris et rêvaient d'y exposer ou d'y retourner !

Le temps passait en discussions et, à part moi, je me demandais quand nous irions voir l’exposition et les œuvres en l’honneur desquelles ce vernissage était organisé. Mais personne ne faisait mine de se diriger vers la belle et vieille bâtisse près de nous ni vers la seconde un peu à l’écart, apparemment une dépendance.

Enfin, Hideo san et d’autres amis m’avaient proposé de les accompagner jusque dans la petite bâtisse, visiblement aussi ancienne que le bâtiment principal. Mes amis m'y avaient alors montré et expliqué certaines caractéristiques de la bâtisse, le linteau, le pilier central en bois, mais rien sur les quelques œuvres présentes, visiblement réalisées par différents artistes.

Puis, branle-bas de combat ! La jeune femme du discours avait invité l’assemblée à se presser vers cette ancienne dépendance puis à grimper à l’étage, par une échelle de meunier. Mais dans la petite pièce à l’étage plongée dans la pénombre, hormis un très vieux coffre, une véritable antiquité datant d’une lointaine époque, là non plus, aucune œuvre d’art ! Vraiment, je n’y comprenais rien !

Au pied d’un pan de mur à moitié en lambeaux, un jeune Japonais, les cheveux cachés dans un foulard, se préparait près d’une auge remplie de ciment. Mais ce n’était pas du ciment.

Au centre du demi-cercle de l’assistance regroupée presque religieusement dans la petite pièce, le jeune artisan avait commencé à ravaler consciencieusement le pan de mur à l’aide d’une torchis. Après une vingtaine de minutes de travail, le pan de mur tout délabré avait laissé place à une jolie surface grise, parfaitement lisse. A cet instant, quand il avait reposé ses outils dans l’auge, tout le monde avait applaudi. Puis nous étions redescendus.



La jeune femme du discours m’avait ensuite fait visiter la vieille demeure japonaise, j’avais également discuté avec une huitaine d’artistes autour d’un vieux poêle à pétrole, puis nous étions rentrés, par le même chemin par lequel nous étions arrivés.

Rempli d’interrogations, je n’avais néanmoins pas osé m’en ouvrir auprès d’Hideo san, par timidité et certainement aussi parce que je ne voulais pas lui montrer combien je n’avais rien compris à ce qui, pour lui comme pour chacune des personnes présentes, avait été, semble-t-il, un moment important.

Ce n'est que tout récemment, finalement, que j’ai compris à quel vernissage j’avais assisté : non pas à celui d’une exposition telle que nous l’entendons généralement en France, mais bien plutôt à la cérémonie de réfection du mur, à l'aide des mêmes techniques anciennes utilisées à l'époque de sa construction.


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