Stéphane
Récemment, j’ai pris en charge un monsieur japonais pendant les trois jours de son séjour à Paris. A partir de son arrivée à l’aéroport jusqu’à la veille de son départ, j’ai passé trois journées entières avec cet homme de 71 ans, Directeur d’une société familiale fondée en 1861 dans la fabrication et la commercialisation de Taïko(percussions japonaises) et d’autels portatifs (Mikoshi).
C’était la première fois pour moi, que j’accompagnais ainsi un client, qui plus est, qui connaissait déjà bien Paris pour y être venu à de nombreuses reprises. Jusqu’à présent, j’avais en effet accompagné des amis ou des collègues d’amis, qui n’étaient jamais venus en France.
Le troisième jours, alors que nous nous promenions, je le voyais régulièrement consulter sa montre. Nous n’avions pourtant pas spécialement planifié de rendez-vous à venir. Comme nous étions aussi devenus plus familiers, j’osais lui demander pourquoi il regardait ainsi si souvent sa montre.
Voici ce qu’il me répondit en japonais (je traduis) :
« Le rythme en France est différent de celui que nous avons, nous Japonais. Quand nous sommes en voyage, nous avons toujours tout de planifié et nous pensons toujours à ce qui est prévu et à ce que nous allons faire ensuite. Alors qu’ici, c’est plus tranquille, moins prévu à l’avance.
- Peut-être, lui dis-je, parce que nous savons que nous avons le temps. Les monuments ne sont pas près de disparaître : ils sont là. Nous ne sommes pas obligés de tout voir, nous pouvons revenir une fois suivante. A Paris, nous sommes qui plus est entourés de vieux bâtiments, qui datent depuis un siècle ou plus, en plus des monuments…
- Au Japon, tout peut disparaître en peu de temps. A cause des risques de séismes et autres. Tout peut changer et disparaître soudainement. Et les matériaux des constructions sont différents, avec beaucoup de papier et de bois. C’est pour cela que nous sommes pressés, même quand nous visitons l’étranger. »
A une professeur à laquelle je racontais cette anecdote, elle me précisa comme suit :
« Pour les Japonais, l’important c’est d’avoir été là ou là, dans des lieux connus. De pouvoir dire « j’y suis allé ». Ensuite, comme nous filmons ou prenons beaucoup de photos, c’est une fois rentrés au Japon que nous prenons le temps de regarder les films et les photos des lieux où nous sommes allés ».
Pour être sûr de ne pas colporter d’idée fausse, j’ai donc donné à lire ce texte ci-dessus à Masako, une autre amie japonaise, en lui demandant ce qu’elle en pense. Voici sa réponse :
« Merci de m’avoir fait lire ton texte. Concernant ce Japonais de 71 ans, je pense qu’il est de Tôkyô, non ?
Je pense qu’en France c’est la même chose : au Japon, dans une grande ville ou une petite de province ou à la campagne, c’est complètement différent. Dans ma ville de Tsuyama (Préfecture d’Okayama située à l'ouest de la région de Chūgoku, sur l'île de Honshū), le temps passe très lentement (^_^). Pour cette raison, les gens de Tsuyama, même quand ils voyagent, je pense qu’ils ne sont pas aussi pressés que ça.
Les Japonais, quand ils planifient quelque chose, ils veulent toujours tout décider, jusque dans les détails.
Par exemple, mon ami Olivier, quand il est allé faire une conférence à l’université d’Ehimé, il est resté plus de deux heures à discuter dans la salle de réunion à propos de l’endroit où on allait lui installer une chaise pour qu'il s'y assois pendant la conférence. Puis il s’est finalement levé et a dit « Ici, c’est bien » en positionnant une chaise. »
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